Zion National Park, Utah. Voilà maintenant six heures et demi que vous progressez dans un décor lunaire entre les lèvres étroites de Paria Canyon lorsqu’au détour d’une colonne de grés rouge, vous êtes attiré par le glouglou d’un mince filet d’eau qui perle entre les rochers du sentier. De quoi refaire le plein de votre gourde.
Si on peut imaginer que l’eau qui filtre des entrailles de la terre sera pure comme neige, en sera-t-il de même du torrent qui traverse ce très bucolique pré à moutons dans les Pyrénées ?
Toutes les eaux trouvées dans la nature ne sont pas bonnes à boire, loin de là. Même l’eau la plus limpide qui soit peut avoir été contaminée en amont ; 99% des agents contaminants que l’on retrouve dans l’eau sont invisibles à l’œil nu. Donc si vous ne portez dans votre sac banane ni microscope ni kit de test chimique, filtrer et purifier l’eau peut s’avérer fort utile.
Si vous n’êtes pas sûr de la qualité de l’eau, purifiez ! Filtration ou purification, ébullition, désinfection chimique, rayonnement UV… les solutions pour fabriquer de l’eau potable en pleine nature sont nombreuses et variées.
Parasites et bactéries qui vivent dans l’eau
Les contaminants que l’on retrouve dans l’eau peuvent être de multiples natures.
Les contaminants biologiques
Ils sont de plusieurs sortes :
- les parasites protozoaires : ce sont des micro-organismes comme le giardia et le cryptosporidium, souvent d’origine animale ou humaine, transmis par voie fécale-orale
- les bactéries Salmonella, Coliforme ou Escherichia coli (ou E coli) sont présentes dans une eau qui a été contaminée en amont par des déjections animales ou humaines
- certaines eaux peuvent également contenir des virus (hépatite A ou E, légionellose, dengue…) qui attendent un hôte sur lequel se développer
Les contaminants chimiques
En aval d’activités humaines (industrie, agriculture…), l’eau peut contenir des contaminants dits chimiques comme des pesticides, des nitrates ou encore des métaux lourds. Certaines eaux de montagnes peuvent aussi avoir une teneur très élevée en minéraux, et donc être toxiques.
Les contaminants radiologiques
Cas très rare – sauf aux alentours de Tchernobyl ou de Fukushima.
Les risques liés à la consommation et à l’ingestion d’eau dépendent grandement d’un pays à l’autre. Tous les pays du monde ne portent évidemment pas le virus de la leptospirose ou du choléra dans leur eau ; renseignez-vous sur les conditions sanitaires et sur les dangers liés à l‘eau dans le pays dans lequel vous vous rendez.
Gardez toutefois en mémoire que si la consommation régulière d’une eau polluée chimiquement est hautement toxique, une consommation épisodique présente bien moins de risques. En revanche, l’ingestion d’une eau contaminée biologiquement (par des bactéries, protozoaires ou virus) présente un risque, voire un danger, immédiat.
Par ailleurs, vous pouvez très bien entendre d’un local que telle ou telle eau est parfaitement potable et toutefois tomber malade : la tolérance à un certain type d’eau varie d’une personne à une autre et évolue en fonction du temps.
Comment prélever de l’eau en randonnée ?
Que ce soit pour cuir vos pâtes ou abreuver votre poisson rouge, l’endroit où vous allez refaire le plein d’eau a toute son importance :
- toujours prélever de l’eau en amont (au-dessus) et le plus loin possible des activités humaines ou d’élevage
- puiser l’eau la plus claire possible
- fuir comme la peste tout point d’eau stagnante : micro-organismes nuisibles et virus y nagent par colonies entières
Une fois votre gourde pleine, si l‘eau contient encore des particules visibles (sable, cailloux, boue…) :
- laissez décanter votre gourde : laissez reposer l’eau afin que les particules en suspension tombent au fond du récipient
- et/ou pré-filtrez l’eau à travers un foulard, un t-shirt, un filtre à café…
Notez qu’une eau chargée en particules sera bien plus difficile à filtrer/purifier et risque d’encrasser le filtre plus rapidement.
Les moyens de filtration et de purification de l’eau
Les quatre méthodes les plus répandues pour filtrer de l’eau sont l’ébulition, les filtres, les désinfectants chimiques et les UV.
L’ébulition
Méthode de purification ancestrale, faire bouillir l’eau permet de se débarrasser des virus et micro-organismes pathogènes qu’elle contient. La grande majorité des contaminants biologiques seront tués après une minute dans de l’eau à 100°C. Comptez cinq minutes dans une eau à 85°C (à 4500 mètres d’altitude) et 30 minutes dans de l’eau à 70°C (à 8000 mètres d’altitude).
Si le procédé est simple et très efficace contre les contaminants biologiques, il est en revanche long (voire même très long), gros consommateur de combustible et inefficace contre les particules solides et les polluants chimiques.
Autre aspect bof-bof : après ébullition, l’eau est trop chaude pour être consommée directement et vous pouvez lui trouver un goût changé, dénaturé. L’ébullition, en évaporant une partie de l’eau, aura augmenté sa concentration en minéraux et donc altéré son goût. Rien de mortel toutefois, mais contre cet arrière-goût vous pouvez jetez dans l’eau quelques gouttes de jus de citron, un bonbon à la menthe ou encore un sachet de thé.
Les filtres
L’équivalent – en gros – d’une passoire ou d’un filtre à café équipé de micro-trous (ou pores) qui vont retenir les impuretés et autres micro-organismes invisibles.
La majorité des filtres disponibles aujourd’hui possèdent des pores dont la taille varie entre 0,1 et 0,3 microns (= 1 millionième de mètre) ; certains allant jusqu’à 15 nanomètres (= 15 milliardièmes de mètre). Plus les pores du filtre seront fins, plus le dispositif sera efficace contre les particules et les micro-organismes mais plus l’opération de filtration prendra de temps. Le filtre, en revanche, sera parfaitement inoffensif face aux virus : ces derniers sont trop petits pour être captés par les pores du filtre, même les plus fins. Le filtre devra donc être associé à un autre procédé si les conditions l’exigent.
Pompe Filtrante MSR Trail Shot
Disponible chez Decathlon ou chez Snowleader
Outre le diamètre de leurs pores, les filtres diffèrent également en fonction de leur matière :
- céramique : les pores des filtres céramiques mesurent généralement entre 0,1 et 0,15 microns, ce qui en fait un filtre très efficace. Il sera ensuite aisé à nettoyer ou à déboucher, mais il reste très fragile à employer. Les qualités du filtre céramique et sa durée de vie élevée en font un choix très courant chez les randonneurs et autres férus d’outdoor.
- céramique avec cœur carbone : l’ajout d’un cœur de carbone au filtre céramique traditionnel lui permet d’accroître sa capacité de filtration en retenant certains composants chimiques comme le chlore, l’iode, les herbicides, les pesticides et certains métaux lourds. Confortable avantage : en retenant le chlore et l’iode, le cœur de charbon actif permettra d’enlever à l’eau le goût de piscine qu’elle pouvait avoir.
- fibre de verre : un pouvoir de rétention et une qualité de filtration égale au filtre céramique mais une durée de vie bien moindre.
Du fait de leurs pores très fin, la plupart des filtres sont équipés d’un système de pompe (type pompe à vélo) qui accélère le processus de filtration mais rend l’opération un peu plus physique ! D’autres filtres fonctionnent par gravitation (avec le poids de l’eau) ou par aspiration (principe des vases communicants ou du réservoir que l’on siphonne).
Filtre par gravitation KATADYN Gravity Camp
Disponible chez Snowleader
Certains filtres, enfin, sont directement montés sur une gourde, au bout d’une pipette plongée à l’intérieur ou installé au niveau du bouchon. C’est le cas par exemple des modèles BEFREE de Katadyn ou LIFESTRAW GO (disponible en plusieurs coloris). Ici encore, plus les pores seront fins, plus il sera difficile d’aspirer l’eau.
Gourde Filtrante Humagreen
=> Voir notre test de la gourde filtrante Humagreen
Les désinfectants chimiques
Les désinfectants chimiques utilisés pour purifier l’eau fonctionnent de la même manière que le spray désinfectant utilisé pour soigner les bobos : au contact de l’agent chimique, les bactéries et virus contenus dans l’eau sont tués. Les désinfectants existent sous plusieurs formes.
Les pastilles de purification
Légères, peu encombrantes et très abordables, les pastilles au chlore ou à l’iode de type MICROPUR, MICROPUR FORTE ou AQUATABS éliminent efficacement bactéries et virus et sont aujourd’hui très répandues dans toutes les activités de plein air. Le processus de purification, en revanche, reste assez long (entre 30 minutes et 2 heures selon le type de pastille et la propreté de l’eau), nécessite de respecter la température d’utilisation et laisse à l’eau une saveur… particulière. Enfin, les pastilles sont inefficaces contre les particules solides et les polluants chimiques.
- MICROPUR FORTE : ces pastilles sont efficaces après 30 minutes contre bactéries et virus, et après 2 heures contre les protozoaires ; elles contiennent par ailleurs des ions d’argents qui permettront de conserver l’eau pure jusqu’à 60 jours. Disponibles au meilleur prix chez Snowleader, par boîtes de 100 comprimés.
- MICROPUR : pastilles efficaces contre bactéries, protozoaires et virus après 2 heures d’action mais l’eau devra être consommée sous 24 heures. Disponibles au meilleur prix chez Decathlon, par boîtes de 50 comprimés.
- AQUATABS : ces pastilles agissent après 30 minutes contre bactéries, virus et certains protozoaires (comme le giardia, mais pas le cryptosporidium) ; l’eau devra être consommée sous 24 heures
Les désinfectants classiques
Le chlore, l’eau de Javel ou l’iode permettent également de purifier l’eau ; ils requirent néanmoins un dosage précis et doivent agir pendant au moins 30 minutes pour être efficaces sans être toxiques. Ils sont surtout utilisés pour purifier de grands volumes d’eau (jerrycan, réservoir de camping-car…).
Le filtre résine imprégné d’iode
Un filtre mécanique associé à un agent chimique (compris à l’intérieur de la cartouche du filtre) qui désactive les virus lors de la filtration de l’eau, mais sans pour autant les tuer. A ce jour l’un des meilleurs moyens de filtration, mais il demeure coûteux et présente des dangers pour la santé en cas d’utilisation régulière.
Les rayonnements ultra-violet (UV)
L’équivalent d’un stylo que l’on plonge dans le récipient d’eau et qui neutralise les micro-organismes pathogènes. Le système est léger, de taille réduite, rapide à utiliser et fiable ; efficace contre 99% des contaminants biologiques. Le stylo-UV, néanmoins, nécessite des piles pour fonctionner, est très cher et très fragile et se contente de neutraliser les organismes pathogènes sans les tuer. Il est par ailleurs totalement inefficace contre les contaminants chimiques.
Choisir ses moyens de filtration/purification en fonction de sa destination
Il n’existe pas encore de procédé efficace à la fois contre les particules en suspension dans l’eau, les micro-organismes, les polluants chimiques et les radiations. Selon la région du monde dans laquelle vous vous rendez, il sera alors nécessaire de combiner plusieurs systèmes de filtration/purification.
Une fois encore, renseignez-vous sur les risques associés à l’eau que vous risquez de rencontrer au cours de votre activité : quelles formes d’activités humaines ? quelles sortes d’animaux ? quels types de contaminants ? quels types de virus ? En fonction de cela, vous serez à même de sélectionner la méthode la plus adaptée aux conditions extérieures mais aussi à votre besoin, habitude, budget, etc.
Combiner, par exemple, l’ébullition à un système de filtre par charbon actif permet d’annihiler d’abord micro-organismes, virus et bactéries, puis de filtrer les polluants chimiques et les particules solides. L’utilisation d’un filtre puis d’un désinfectant chimique (type pastille) permet d’aboutir au même résultat.
Pour une semaine de rando sur la Haute Route Pyrénéenne, le risque principal lié à l’eau provient des moutons et des animaux sauvages qui vivent et paissent le long des torrents. Une simple ébullition suffit alors éradiquer protozoaires et bactéries pathogènes. Pour plus de sûreté, vous pouvez également boire l’eau bouillie dans une gourde filtrante.
Si vous vous envolez pour l’Inde, le Népal ou le Kenya, au risque des déjections animales vient s’ajouter le danger des virus contenus dans l’eau : combinez alors un désinfectant chimique de type MICROPUR FORTE et un filtre mécanique comme la gourde HUMAGREEN.
S’il est recommandé de filtrer/purifier l’eau que vous buvez, il est tout aussi important d’utiliser une eau saine pour cuisiner et se laver les dents par exemple. Pour faire votre toilette et prendre un bain, veillez à ne pas mettre vos plaies et blessures ouvertes en contact avec l’eau et évitez de plonger la tête sous l’eau.
Enfin, si vous avez le moindre doute quant à la qualité de l’eau, ne courez aucun risque ; filtrez, purifiez, désinfectez !
2 commentaires
Très bon article, bravo !
C’est très complet et du coup je crois que je vais essayer les désinfectants chimiques (je rechignais un peu jusqu’à présent…). C’est tellement long de faire bouillir l’eau et d’attendre qu’elle refroidisse !
super article qui nous donne de bonnes perspectives sur la filtration de l’eau