Les débutants ne devraient pas encore avoir à se poser la question, en revanche, pour les pratiquants de niveau plus avancé, il est désormais peut-être temps de songer à grimper en tête.
Dans cet article, nous allons voir tout d’abord en quoi cela consiste et l’importance de savoir grimper “sans moulinette”. Nous allons aussi aborder, tout ce qu’il faut savoir et comment se préparer aussi bien techniquement que psychologiquement pour grimper en tête.
C’est parti !
Grimper en tête : De quoi s’agit-il ?
Pour comprendre de quoi on parle…
L’intérêt de grimper en tête
Tout d’abord, avant d’aller plus loin, attardons-nous un instant sur le rôle et la raison d’être d’un grimpeur en tête. Eh bien, cela peut sembler évident, pourtant on n’y pense pas toujours – surtout quand on est habitué à la salle -, mais les voies équipées ne se font pas toutes seules.
En effet, il faut bien qu’un premier grimpeur s’y colle pour installer les dégaines et la corde sur la paroi, et installe la moulinette pour “le second”. C’est précisément à ça que sert le fait de grimper en tête, ouvrir la voie aux autres grimpeurs ou simplement pour soi.
La grimpe en tête (dont nous parlons ici) est différente de l’ouverture et l’équipement d’une voie !
Ceci consiste à définir le tracé de la voie, placer les points d’ancrage dans la roche, nettoyer la paroi… L’ouverture et l’équipement sont généralement réservés aux professionnels (guides et autres)
Grimper en tête : Est-ce pour tout le monde ?
OUI, mais… Si le principe de base est relativement simple, grimper en tête implique un certain nombre de prérequis.
- Tout d’abord, il faudra posséder un bagage technique suffisant pour grimper confortablement, sans avoir besoin d’être “tiré” comme en moulinette.
- Ensuite, il sera aussi nécessaire de savoir placer une dégaine et connaître les manips de cordes pour équiper la moulinette.
- Enfin, il faudra un certain nombre de dispositions psychologiques, car on ne va pas se mentir, il est plus difficile de grimper quand on risque de chuter de quelques mètres !.
Différence entre grimper en tête et en moulinette
Si vous êtes sur cet article, c’est que vous souhaitez passer de la moulinette à la ta grimpe en tête… Pour cela, mieux vaut bien comprendre les différences.
Grimper en tête
Comme nous venons de le voir, grimper en tête consiste pour un grimpeur à mettre en place l’assurage, notamment en faisant passer la corde dans les dégaines de la paroi. Ce qui signifie que le risque de chuter quelques mètres avant que la corde ne vous retienne est bien réel, à chaque fois que vous passez au dessus d’un point !
Grimper en moulinette
En théorie, grimper en moulinette demande le même niveau de maîtrise que de grimper en tête, sachant que le rocher ne change pas… Néanmoins, il existe quelques différences de taille entre les deux pratiques.
- Techniquement, en moulinette il suffit de se concentrer sur la gestuelle, sans se préoccuper de la corde ou du matériel. En tête, il faut constamment avoir en tête l’assurage.
- Physiquement, il est fréquent que l’assureur “aide” le grimpeur en moulinette en tendant la corde pour prendre une partie du poids. En tête, ce n’est plus possible, et le grimpeur doit en plus monter le poids de la corde, avec un possible tirage.
- Mentalement, la différence est énorme, et c’est souvent ce qui freine les débutants. Il faut accepter le risque de chute, et s’y habituer le plus tôt possible…
Une nuance de taille donc, du point de vue de la configuration générale, mais aussi (voire surtout) du niveau de risque pris par le grimpeur.
Dimension technique
Avant de vous lancer en tête, il est nécessaire de savoir quoi faire avec votre corde !
Grimper en tête : un travail par étape
Grimper en tête implique de procéder par étape et avec minutie afin de limiter les risques au maximum.
Avant le départ
Première chose, il faudra procéder à une vérification attentive de la corde (absence de nœud ou de dommage) et à l’encordement du grimpeur.
La deuxième étape consiste à faire un nœud queue de vache en bout de corde pour s’assurer que celle-ci ne s’échappe pas du dispositif d’assurage si vous avez choisi une corde trop courte…
Une dernière co-vérification de l’ensemble s’impose, et vous voilà prêt au départ.
La grimpe
L’idéal est d’attaquer avec la corde du côté de la main que vous utiliserez pour le mousquetonnage. Il faut désormais atteindre la première dégaine et y passer la corde. Le mousquetonnage de la dégaine doit se faire depuis une prise stable (au moins trois appuis), bras tendu et de préférence avec la dégaine située entre le visage et le nombril.
La suite de l’ascension se fait sur plus ou moins les mêmes bases, le grimpeur doit se diriger vers la deuxième dégaine en veillant à éviter un éventuel passage de la corde derrière la jambe, synonyme de retournement en cas de chute.
Il convient de répéter l’opération jusqu’à atteindre le relais et pouvoir procéder à l’assurage final (se vacher).
La pose de la moulinette
Dans l’idéal, vous avez un mousqueton au relais, et vous n’avez qu’à y passer la corde comme dans une dégaine pour redescendre. C’est souvent le cas en salle, mais beaucoup moins en falaise…
Il vous faudra alors un peu de matériel, et surtout quelques connaissances pour faire face aux différents cas de figure : relais relié ou non, désencordage ou non…
Plutôt que de répéter ce que d’autres ont déjà parfaitement expliquer, nous vous invitons à consulter cet article de Petzl expliquant comment poser une moulinette.
Le rôle de l’assureur
Grimper en tête est une opération délicate qui requiert des connaissances techniques et une certaine préparation, mais ce n’est pas tout. Il s’agit aussi dans une certaine mesure d’un travail d’équipe, ou plutôt en binôme.
Ainsi, lorsqu’on grimpe en tête, un assureur vous assiste au pied de la paroi, et ce, de plusieurs manières. L’assureur aide dans un premier temps le grimpeur à faire les vérifications nécessaires du matériel avant le départ. Par la suite, celui-ci aura notamment pour rôle de gérer le mou de la corde au fur et à mesure de la progression du grimpeur.
Mais l’assureur n’a pas qu’un rôle technique, loin de là même. Il est aussi une paire d’yeux supplémentaire permettant de guider le grimpeur avec un angle et un recul différent. Il l’aidera à trouver des prises, lui indiquera des directions, le mettra en garde en cas de chutes de pierres, mais aussi et surtout l’encouragera.
Dimension psychologique
On y arrive enfin !
Avant de grimper en tête
Grimper en tête est loin d’être sans risque et une certaine appréhension est totalement normale. Néanmoins, il est possible de la réduire avec quelques habitudes faciles à mettre en place.
Avant de se lancer en tête, il faut surtout se poser les bonnes questions. En voici quelques-unes :
- Vous sentez-vous prêt, que ce soit techniquement, mentalement ou physiquement ?
- Savez-vous exactement ce que vous avez à faire sans aucun doute ?
- Connaissez-vous la voie concernée et celle-ci est-elle adaptée à votre niveau actuel ?
- Faites-vous entièrement confiance à votre assureur ainsi qu’à votre matériel ?
Si vous avez répondu positivement à toutes ces questions, alors félicitations, vous êtes sans doute prêt à grimper en tête.
Le jour J
Si toutes les conditions sont réunies pour grimper en tête, il s’agit d’un excellent début, néanmoins cela ne veut pas dire que la peur s’est totalement volatilisée et c’est bien normal.
Il n’existe pas de méthode miracle, mais voici une piste qui pourrait vous être d’une aide précieuse. Il s’agit d’une méthode sobrement intitulé “Clipper-Lâcher” qui à première vue peut sembler contre-instinctive, mais après tout, ne dit-on pas que l’on soigne le mal par le mal ?
Ainsi, la méthode “Clipper-Lâcher” comme son nom l’indique consiste à clipper la corde dans une dégaine puis de lâcher prise. Si vous vous êtes assuré correctement, alors, vous n’avez rien à craindre et vous vous en rendrez compte en lâchant prise, rien de mieux pour la confiance.
Néanmoins, lâcher prise, oui, mais pas n’importe comment. L’objectif en cas de chute est de garder un certain contrôle et surtout d’éviter la collision avec la paroi. Pour cela, il faudra miser sur un système d’assurage dynamique qui repose sur un principe très simple, accompagner la chute.
C’est là qu’intervient l’assureur qui en cas de chute devra compenser en suivant un mouvement inverse. Pour faire simple, comme sur un système de balancier, lorsqu’un poids fait pencher la balance d’un côté, on utilise un poids côté opposé pour stabiliser, voire stopper le mouvement. Néanmoins, cette technique repose notamment sur le fait que les poids du grimpeur et de l’assureur soient à peu près similaires et que ce dernier soit capable d’anticiper la chute en ne restant surtout pas statique.
Vous avez peur de tomber ?
Vous avez parfaitement confiance dans votre matériel, vous vous êtes entraîné à gérer le vol, votre assureur est le “roi du gri gri”… vous savez bien qu’il n’y a aucun risque, mais vous continuez à avoir peur de tomber quand vous êtes en tête ?
Vous n’êtes pas seul (e) !
La “peur du vol”, qui peut être dépassée en maîtrisant les techniques vues ci-dessus, est différente de la “peur de tomber” (qui est différente de la “peur du vide”) .
Dans notre société actuelle, la peur est devenue négative, elle est vue comme un signe de faiblesse, une chose à bannir… Pourtant, la peur est un mécanisme de survie bien ancré dans toutes les espèces !
Être suspendu par un fil dans une falaise n’est pas naturel, ce n’est pas une situation idéale pour l’être humain, et il est tout à fait normal d’avoir peur de cette situation. Ceux qui ont moins peur que vous ont tout simplement un instinct de survie moins développé… (et seront les premiers à y passer en cas d’apocalypse zombie !)
Maintenant que vous n’avez plus honte d’avoir peur, il est temps d’apprendre à ne pas vous laissez dominer par cette peur
Si vous avez peur de tomber, évitez de vous mettre dans des situations qui augmentent votre risque de chute. Oubliez les phrases toutes faites genre “le 6a c’est facile” ou “attends, après un an d’escalade tu grimpes pas du 7?” et concentrez-vous sur votre ressenti et votre plaisir.
Dis d’une autre manière : grimper en tête dans des voies qui sont bien en dessous de votre niveau ! Faites des voies en 3, en 4, jusqu’à vous sentir parfaitement à l’aise avec la grimpe en tête. Ensuite, si vous vous sentez bien, vous pourrez commencer le 5 en tête, jusqu’à vous sentir à l’aise. Puis, le 6, le 7, le 8…
En prenant les choses à votre rythme, en ne cherchant pas à repousser vos limites, vous ne gâchez pas votre plaisir, ne perdez pas votre motivation, et – au final, vous progressez bien plus vite !
Quelques mots pour terminer
Cet article arrive à son terme et nous espérons qu’il vous a plu, mais que surtout désormais, grimper en tête n’a plus de secret pour vous. Il convient toutefois de garder à l’esprit que rien ne remplace la pratique, l’expérience et un accompagnement auprès de grimpeurs confirmés.
En cas de questions, c’est dans la section commentaires que ça se passe et nous serons ravis d’y répondre.