Depuis la fin de l’été, tout le monde ne parle que de cela : 750 ha du Parc National de Chartreuse sont désormais interdits d’accès aux randonneurs, grimpeurs, trailers et autres alpinistes. Une situation inattendue, dommageable pour tous, à laquelle personne ne s’attendait…
Vraiment ?
Cette interdiction “sensationnelle” fait parler d’elle, mais elle n’est pas la première et, probablement, loin d’être la dernière…
Interdiction d’accès à la réserve de Chartreuse, explications
Le 15 octobre 2023, plusieurs centaines de randonneurs manifestent au Col de Marcieu, demandant le libre accès à l’ensemble du Parc Naturel…
En effet, depuis la fin de l’été, le propriétaire des lieux – s’appuyant sur une nouvelle loi du 2 février 2023 renforçant la notion de propriété privée – a décidé d’interdire l’accès à son domaine aux randonneurs, grimpeurs, traileurs et autres alpinistes.
Pourquoi ?
Le propriétaire des lieux, le marquis Bruno de Quinsonas-Oudinot, souhaite lutter contre la surfréquentation des “hordes déferlantes de curieux irrespectueux de la loi”. Dans le même temps, l’accès est réservé aux chasseurs, qui paient un bail de location, pour “garder l’équilibre sylvo cynégétique”.
De nombreux autres sites interprètent cette interdiction à leur manière, et nous avons tous le droit à une opinion. Pour notre part, nous nous contentons de vous donner les faits, en vous laissant libre de vous former une opinion.
Comment ?
Le marquis Bruno de Quinsonas-Oudinot est le propriétaire de ces 750 ha situés en Chartreuse. Il s’agit donc de sa propriété privée qui, depuis la loi de février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels, peut être protégée contre les personnes non autorisées.
Plus d’infos sur cet article de France 3 régions.
Interdictions et restrictions de plus en plus nombreuses
Cette interdiction d’accès est certainement la plus spectaculaire, mais elle fait suite à de nombreuses autres restrictions, introduites ces dernières années :
- Fermeture de sites d’escalade (la liste ici)
- Restriction d’accès au Parc des Calanques (la réglementation du Parc)
- Limitation de l’accès au Mont Blanc (plus d’infos)
- Modification du GR400 suite à la demande de plusieurs propriétaires (voir tracé)
Et il en existe bien d’autres ! Depuis que la restriction d’accès à la vallée de la Clarée en été mise en place dans les années 2000, notre terrain de jeu favori est de plus en plus réglementé, restreint, interdit…
Il y a quelques mois, notre poisson d’avril sur le “Permis d’accès à la montagne” se voulait être une manière amusante d’attirer l’attention sur un problème bien réel… Malheureusement, cet article risque d’être prémonitoire !
Pourquoi ces restrictions ?
Réponse facile : “parce que les autres, ce sont des méchants qui veulent nous faire des problèmes, à nous, les gentils amoureux de la montagne.”
Vous trouverez des dizaines de blogs plus ou moins complotistes suivant cette ligne éditoriale… Pas ZeOutdoor. Nous préférons analyser tant que faire se peut la situation, afin d’y trouver une solution.
Plutôt que de chercher des coupables, nous essayons de nous remettre en cause (“nous” = usagers de la nature) pour savoir ce que nous pouvons faire pour continuer à profiter des sports outdoor.
La surfréquentation
Cela fait un moment qu’on ne peut plus le nier : les espaces naturels ont de plus en plus de mal à accommoder les millions de personnes venant les visiter. Lac Blanc, falaises d’Etretat, grotte de Bournois… Ce sont des centaines de sites naturels qui souffrent.
Revenons sur la Chartreuse, et cette fameuse “Tour Percée” ou “Tour Isabelle”… Elle a été “découverte” en 2005 par Pascal Sombardier (il semblerait que le propriétaire et les chasseurs la connaissaient déjà)… et depuis ce sont des milliers de randonneurs qui s’y rendent chaque année !
Est-ce positif ou négatif ? Le fait est que la fréquentation de ce lieu a explosé ces dernières années.
Les comportements de certains
Nous avons TOUS croisé ces traileurs qui laissent leurs emballages par terre, ces grimpeurs qui mettent de la musique au pied de la falaise, ces randonneurs qui jettent un mégot, ces alpinistes qui font tomber des pierres sur la cordée suivante…
Fermer l’oeil sur ces comportements, qui sont certes minoritaires, serait une grave erreur car ils participent à la mauvaise publicité faite aux amoureux des activités outdoor que nous sommes tous.
L’éducation, l’apprentissage du respect de la nature et des autres, semble être le chemin que nous devons prendre.
La sécurité
Conséquence inévitable de la surfréquentation et de certains comportements : la sécurité des uns et des autres se trouve menacée. De l’incendie “involontaire” qui ravage des hectares de forêt, à l’avalanche déclenché “par inadvertance” qui emporte plusieurs skieurs, combien d’accidents aux conséquences dramatiques auraient pu être évitées ?
Les accidents augmentent chaque année (mais, note positive, pas les accidents mortels!) et les secours doivent intervenir de plus en plus souvent.
Davantage de formation aux techniques des sports outdoor, ainsi que moins de recherche de la performance “à tout prix”, ne serait-ce pas une bonne idée ?
Le respect de la propriété privée
“La nature est à tout le monde”. Désolé, mais ce n’est pas le cas !
Tous les espaces naturels appartiennent à quelqu’un qu’il s’agisse d’une personne physique (un particulier), morale (une entreprise ou une association) ou publique (mairie, département, Etat…)
Pour info, en France, les forêts sont la propriété de :
- Personnes privées à 75% (3.3 millions de propriétaires différents!)
- Collectivités territoriales à 16%
- ONF (domanial de l’Etat) à 9%
Il est donc absolument nécessaire de comprendre que nous sommes la plupart du temps des invités, et de nous comporter en tant que tel !
Il est probable que vous ne cueillez pas les fleurs dans le jardin de votre voisin, et il ne vous viendrait pas à l’idée d’installer un mur d’escalade sur l’immeuble d’en face, sans en demander l’autorisation, non ?
Pourtant, dans la nature, nombreux sont ceux qui pensent en avoir le droit…
Quelles solutions face aux interdictions ?
Nous n’avons pas de solutions toutes faites… mais chez ZeOutdoor, nous pensons que le conflit n’est pas le chemin à suivre.
Pendant des années, randonneurs, chasseurs et propriétaires ont réussi à cohabiter sans aucun souci, même en Chartreuse. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
En tant que pratiquant de sports outdoor, nous pouvons faire 2 choses :
- Modifier notre comportement, comme vu un peu plus haut
- Communiquer avec “les autres”, plutôt que d’accuser et d’exiger
D’ailleurs, en parlant des “autres”… Il existe de nombreux chasseurs qui sont aussi alpinistes, pêcheurs qui sont aussi kayakistes, et propriétaires qui sont aussi randonneurs ! Ce n’est pas “nous contre eux”, alors essayons de trouver une solution satisfaisante tous ensemble !
Sinon, il reste la solution d’acheter des millions d’hectares d’espaces naturels, et d’y accéder seulement en échange d’un permis payant… On espère ne jamais arriver à cela !
Un dernier mot
Ce n’est pas un “article polémique”, mais un “sujet de discussion”.
Les commentaires agressifs, les “grandes vérités” assénées à coup de “tout le monde sait”, et les diverses insultes seront effacées des commentaires.
Merci